Login

DANIEL LAMBERT : « L'applicateur phyto restera un partenaire pour les collectivités »

DANIEL LAMBERT, EXPERT ET AUDITEUR AGRÉÉ, CABINET D'EXPERTISE ET FORMATION PHYTOSANITAIRE PHYTAUDIT.COM (ANTIBES, 06)PHOTO : CABINET DANIEL LAMBERT

DANIEL LAMBERT, EXPERT ET AUDITEUR AGRÉÉ, CABINET D'EXPERTISE ET FORMATION PHYTOSANITAIRE PHYTAUDIT.COM (ANTIBES, 06)

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Quelles sont les prestations proposées par Phytaudit.com ?

Elles sont diverses : conseil et expertise ; préparation à la certification phytosanitaire, audit, missions pour Afnor Certification ; qualifications des personnes Certiphyto et Certibiocide sous l'égide de l'Association française de protection des plantes (AFPP) ; initiation à la démarche qualité (tous métiers). Toutes ces activités sont complémentaires : il est difficile de qualifier une entreprise sans s'intéresser à la qualification des personnes, et la certification des produits phytopharmaceutiques (PPP) amène logiquement à se pencher sur la démarche de qualité en général.

Comment avez-vous vu évoluer l'activité de l'application phytosanitaire au fil des années ?

Lorsque j'ai vendu mes entreprises en 2006, l'une spécialisée dans l'application du bromure de méthyle en agriculture et l'autre dans le désherbage chimique urbain, mon repreneur s'inquiétait de ne pas maîtriser complètement ces sujets. Je lui ai répondu que mon expérience ne servirait pas beaucoup, car le monde des PPP était en pleine révolution. Et c'est ce qui s'est passé, avec la réduction du nombre de substances actives, la limitation des domaines d'applications, la restriction des usages, une règlementation de plus en plus sévère. En 2016, des entreprises d'application ont perdu plus de 30 % de leur chiffre d'affaires, et ce sera bien pire en 2017. Certaines parviennent à s'adapter (en diversifiant leurs activités, avec l'application de biocides par exemple), d'autres disparaissent.

Par ailleurs, la multiplication des audits que j'ai menés ces dernières années m'a fait prendre conscience de notre entrée dans un nouveau monde : celui où il faut apporter « la preuve de », et pas uniquement dans le domaine des PPP. Dire qu'on travaille « dans les règles de l'art » ne suffit plus.

L'interdiction d'emploi d'une partie des PPP en 2017 pour les espaces verts publics et en 2019 pour les jardins particuliers signe-t-il la fin des produits « conventionnels » en zones non agricoles (ZNA) ? Et celle des applicateurs ?

Ces produits (hors ceux de biocontrôle, utilisables en agriculture biologique et à faible risque) restent autorisés pour l'entretien des dépendances vertes (routes, SNCF, télécommunications, gaz...) et, dans les espaces publics, pour traiter les organismes nuisibles de lutte obligatoire ou en cas de mise en danger des opérateurs. Mais au-delà de ces cas particuliers, je suis convaincu que l'applicateur phyto restera un partenaire pour les collectivités. Les firmes vont s'adapter à la réglementation. De nouveaux produits apparaissent (phéromones de synthèse...) et des solutions technologiques de plus en plus pointues qui nécessiteront des personnes toujours plus formées et de gros investissements. Mais aussi, la frontière entre chimique et biologique va devenir de plus en plus floue, les firmes phytosanitaires seront capables de reproduire à l'identique des molécules naturelles. Leur prix sera simplement plus élevé. A contrario, le désherbage chimique, c'était économique... (et finalement pas le plus polluant au regard des comparatifs réalisés entre les différentes méthodes). Rappelons aussi que naturel ou biologique ne veut pas forcément dire inoffensif et non dangereux.

Le certificat individuel a été modifié par le décret du 11 août 2016. Quelle évolution principale constatez-vous ?

Le certificat individuel reste obligatoire pour conseiller, vendre, distribuer et appliquer des PPP, y compris les produits de biocontrôle qui restent des produits phytosanitaires soumis à autorisation de mise en marché (AMM), avec des conditions d'emploi et des usages précis. Parmi les cinq catégories définies, il y a celle des décideurs en entreprise avec agrément et celle des décideurs en entreprise non soumise à agrément. Or, jusqu'ici, un trou béant dans la règlementation permettait à une société de paysage d'acheter des produits avec un simple Certiphyto puis de les utiliser chez ses clients sans savoir qu'elle était dans l'illégalité. Car l'application de PPP en prestation de service est soumise à agrément, et ce même si les produits appliqués par le prestataire sont Emploi autorisé dans les jardins (EAJ) ! Les nouvelles catégories de certificats individuels obligent le distributeur à vérifier cette condition auprès de l'établissement. Dans le Sud-Est, cette prise de conscience sur l'obligation de détenir cet agrément pour appliquer en prestation de service se fait aussi au moment de la certification d'entreprise spécifique au traitement des palmiers. Ces deux facteurs conjugués sont à l'origine d'une accélération sensible du nombre de demandes d'agrément à la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf). Selon moi, ce phénomène va se poursuivre inévitablement. Car les professionnels des jardins et de leur entretien ne peuvent pas se désintéresser de la protection des plantes.

Comment travaillez-vous en tant que conseiller phytosanitaire ?

En tant que conseiller, soumis à la certification, je dois proposer des solutions alternatives lorsqu'elles existent. Souvent, elles sont appliquées depuis longtemps sur le terrain. En ZNA, le bon sens s'impose face à certains excès qui ont été réalisés auparavant. Il faut aussi savoir faire des choix. À toutes époques, il a existé des pathologies qui ne se négociaient pas ou mal. Il ne faut pas tomber dans l'acharnement thérapeutique, surtout lorsque les techniques et les produits ne sont pas assez efficaces, au risque de passer pour un charlatan. Pratiquement à chaque diagnostic, il n'y a pas une seule cause mais un ensemble de causes qui mènent au dépérissement d'un sujet. Un conseiller digne de ce nom doit travailler durement pour trouver la frontière entre le souhaitable et le possible, puis proposer des solutions par étapes, à court, moyen et long termes, car un jardin est en perpétuelle évolution. Et ce n'est pas prêt de finir avec les changements climatiques qui nous attendent...

Finalement, comment voyez-vous l'avenir ?

Je reste persuadé que nous - les firmes, les distributeurs, les entreprises d'application, les conseillers phytosanitaires... - allons trouver de nouvelles façons de reconsidérer la protection des plantes. Des spécialistes restent indispensables pour intervenir lors du déclenchement de luttes obligatoires et éviter les catastrophes phytosanitaires. Quant à moi, j'espère vivre ma passion encore très longtemps ! Je souhaite céder gracieusement mon cabinet et mon logo à un jeune ingénieur qui croit en l'avenir, l'aider à construire sa structure, pour peu qu'il me laisse un peu d'espace pour que je puisse encore m'enthousiasmer sur les plantes et leur protection...

Propos recueillis par Valérie Vidril

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement